La parité hommes/femmes dans les résultats des élections de 2024

Janine Rodgers, 28 janvier 2025

I. La parité hommes/femmes en politique ne progresse plus

Depuis le milieu des années 1990, des progrès significatifs ont été enregistrés en matière de représentation des femmes en politique dans toutes les régions le monde, mais les dernières élections marquent un coup d’arrêt et dans certains pays il y a même régression.

Élections présidentielles 2024

Sur 31 élections présidentielles organisées dans le monde, seules cinq femmes ont été élues à la tête d’un État (Islande, Mexique, Namibie, Macédoine du Nord et République de Moldavie) soit une proportion de 16% de femmes.

Élections parlementaires 2024

Des élections parlementaires (chambre unique ou basse) ont eu lieu dans 40 pays.

En moyenne, 22,5% des nouveaux élus sont des femmes. Les proportions de femmes varient selon les pays. Quelques exemples : Rwanda 63,8%, Mexique 51,2%, Afrique du Sud 44.7%, Royaume-Uni 40,5%, France 36,1%, États-Unis 27.8%, Indonésie 21%, Inde 13,7%, Iran 4,8%, Tuvalu 0%,). Au Parlement européen 39% des députés sont des femmes.

En 2023, il y avait :

17 femmes sur 151 chefs de l’État élus.

19 femmes chefs de gouvernement sur 193.

Exemple de la France

Après l’adoption de la loi sur les quotas de genre en 2000, la représentation des femmes au sein de l’Assemblée nationale a fortement augmenté. Elle a atteint un pic en 2017 mais a diminué lors des deux dernières élections. La proportion de femmes députées était 38,8% en 2017, 37,3% en 2022 et 36,1% en 2024. 

A graph showing the growth of women's rights

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En Suisse, lors des élections de 2019, 42% des nouveaux parlementaires fédéraux étaient des femmes, aux élections de 2023 la proportion était de 38,5%.

Les systèmes de quotas de genre

Dans de nombreux pays, l’adoption de quotas de genre a été le facteur déterminant dans les progrès vers la parité. Les hommes cèdent leur place aux femmes quand la loi les y oblige. Le premier pays à adopter un système de quotas a été l’Argentine en 1991. Aujourd’hui, 94 pays dans le monde ont adopté un système de quotas mais l’efficacité des systèmes varie considérablement dans leur application, suivant le système électoral et l’étape du processus électoral ciblée. Il y a deux principaux types de quotas : les quotas de candidats, et les sièges réservés. 18 pays ont des sièges réservés pour les femmes ; 76 pays ont des quotas de candidats qui varient de 10% à 50%.

En France, la parité des candidats est obligatoire depuis 2000. Les partis politiques doivent présenter autant de candidats hommes que de candidats femmes aux élections nationales, sous peine de pénalité financière au-delà de 2% d’écart. Les partis politiques ne respectent pas toujours la contrainte de la parité. Les hommes représentaient près de 60% des 4009 candidats du premier tour du scrutin national de 2024. Les partis de gauche respectent plus la parité que les partis de droite.

Le système de quotas en France est une obligation de moyens et non de résultats car les partis ne sont pas sanctionnés si leurs candidates ne sont pas élues. Or les femmes sont plus souvent investies dans des circonscriptions non-gagnables ou plus difficiles à remporter d’où la différence entre la proportion de candidats femmes et la proportion de députés femmes. Situation des différents partis après le 2ème tour de scrutin de juillet 2024 :

Nouveau Front Populaire : 47% de candidats femmes, 41,2% de députés femmes.

Ensemble : 43% de candidates, 38,7% de députées.

Rassemblement National : 44% de candidates, 35,6% de députées.

Les Républicains : 30 % de candidates, 26,7% de députées. 

Dans le monde, on observe que les partis de droite tendent à présenter des proportions moindres de femmes parmi leurs candidats. Le glissement vers la droite enregistré dans les parlements de nombreux pays joue contre les femmes. 

L’écart le plus important en matière de représentation politique des femmes se situe aux plus hauts niveaux du pouvoir

Si les quotas sont efficaces pour progresser vers la parité numérique entre hommes et femmes, ils n’ont d’effet miracle ni sur les comportements, ni sur la condition des femmes au sein des pouvoirs décisionnels. Les exécutifs restent très majoritairement masculins et au sein de ceux-ci, les femmes occupent plus souvent des postes moins prestigieux. En France, récemment, les Premiers ministres Michel Barnier et François Bayrou ont respecté la stricte parité en formant leurs gouvernements mais aucune femme n’a été nommée à un ministère régalien (Intérieur, Économie, Affaires étrangères, Justice, Armées). Les femmes sont plus souvent Ministres délégués ou Secrétaires d’État.

Les cinq portefeuilles les plus couramment détenus par des femmes ministres dans le monde sont : Femmes et égalité des sexes, Famille et enfance, Inclusion sociale et développement, Protection sociale et sécurité sociale, et Affaires autochtones et minorités.

En politique harassement et attaques personnelles sont plus violents à l’égard des femmes que des hommes

Les anciennes pratiques inégalitaires, discriminantes et sexistes et les stéréotypes sont tenaces. En France, on se souvient des caricatures racistes à l’encontre de Christine Taubira, alors Ministre de la Justice, ou des sifflets sexistes qui accueillirent Cécile Duflot, alors Ministre du Logement et de l’Égalité des territoires, quand elle entra dans l’hémicycle portant une robe à fleurs. 

Deux dirigeantes compétentes de haut niveau, et qui avaient fait leur preuve, ont jeté l’éponge et quitté l’arène politique en 2023 en invoquant l’épuisement professionnel, le harcèlement et les menaces personnelles : Jacinda Ardern, Première ministre néo-zélandaise, et Sanna Marin, ancienne Première ministre de Finlande.

II. Réaction aux progrès en matière d’égalité hommes/femmes

Dans les pays occidentaux on observe un retour de bâton défiant le progrès des femmes. La génération post-MeToo est clivée entre de nombreuses jeunes femmes qui embrassent des valeurs féministes et progressistes, et de jeunes hommes qui résistent en développant des réflexes viriles et des comportements machistes encouragés par les médias de divertissement et les réseaux sociaux. Ces derniers mettent l’accent sur la masculinité et plus récemment ont accueilli des influenceuses qui font la promotion de la Tradwife (la femme traditionnelle, mère au foyer).

La réaction contre l’égalité des sexes est l’un des facteurs de la polarisation croissante entre les jeunes hommes et les jeunes femmes dans le monde. L’aspiration de jeunes des deux sexes mieux éduqués est en inadéquation avec un marché du travail atone. Face aux politiques de discrimination positive les jeunes hommes craignent que le progrès des femmes aille trop loin et ne se fasse à leurs dépens. L’écart entre le vote des hommes et des femmes au sein du groupe d’âge 18-29 ans s’accroît et c’est une tendance mondiale.

Aux États-Unis, lors de l’élection présidentielle de 2024, les hommes de 18 à 29 ans se sont massivement mobilisés pour Trump. Le candidat républicain l’a emporté avec 14 points d’avance par rapport au vote des jeunes femmes de la même tranche d’âge.

Les États-Unis ne sont pas un cas unique. En Corée du Sud, le vote en faveur du parti conservateur People’s Power a enregistré un écart de près de 25 points entre les hommes et les femmes de la génération Z (1990-2010). Au Royaume-Uni, aux dernières élections de juillet 2024, deux fois plus de jeunes hommes ont voté pour le parti Reform UK de Nigel Farage que de jeunes femmes. Parallèlement, en Allemagne, des sondages d’opinion récents ont montré que les hommes âgés de 18 à 29 ans étaient deux fois plus susceptibles de voter pour le parti d’extrême droite AfD que les jeunes femmes du même âge. Une étude portant sur 29 pays (Ipsos Equalities Index 2024) constate que les personnes âgées de 18 à 29 ans présentaient les plus grandes différences d’opinion entre les hommes et les femmes et qu’un « fossé idéologique » de 30 points environ existait entre les filles et les garçons de la génération Z sur les questions d’égalité des sexes.

Autres symptômes significatifs :

  • Mark Zuckerberg supprime les programmes DEI (Diversité, Équité et Inclusion) afin de libérer les « énergies masculines » au sein de Meta.
  • Quatre jours après son accession à la Présidence des États-Unis, Donald Trump a demandé aux agences fédérales américaines de fermer l’ensemble de leurs bureaux chargés de promouvoir la diversité.
  • Le Président argentin Milei a supprimé le Ministère des Femmes, des Genres et de la Diversité.
  • Diverses universités sont sous pression pour retirer de leurs programmes les études de genre, d’intersectionnalité et pour se positionner anti-Woke.

En conclusion

Deux principaux facteurs contribuèrent au coup d’arrêt des progrès vers la parité hommes/femmes en politique dans les élections 2024 :

  • La tendance mondiale de glissement des systèmes politiques nationaux vers la droite.
  • La réaction des jeunes hommes face au progrès de l’égalité hommes/femmes.

Sources

Guéron-Gabrielle, Juliette : « Comment la parité a reculé à l’Assemblée nationale », Le Monde, 21 août 2024.

IPSOS : Ipsos Equalities Index 2024.

https://www.ipsos.com/sites/default/files/ct/news/documents/2024-05/IEI_2024_Global%20Charts.pdf

Jezer-Morton, Kathryn : « ‘Trad wives’ are trending. What does that say about feminism today? », NPR, 28 janvier 2024 Washington DC, États-Unis.https://www.npr.org/2024/01/28/1227453741/trad-wives-are-trending-what-does-that-say-about-feminism-today

Laboratoire des inégalités, France.

https://inegalites.fr/paritefemmeshommespolitiqueUnion interparlementaire (UIP) : IPU Parline – Global data on national parliaments.

https://data.ipu.org/elections/

Nations Unies.

https://news.un.org/fr/story/2024/03/1143732

UNWomen.

https://www.unwomen.org/fr

Yerushalmy, Jonathan : “What’s behind the global political divide between young men and women?” The Guardian , 14 novembre 2024.

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