Citizens de Christian Lutz. Reflets du populisme européen par un œil avisé

Par Anne-Françoise Allaz

Dans son édition du 14.5.2021, le media en ligne Heidi.news nous informe de la parution du dernier livre de Christian Lutz, « Citizens », paru récemment aux éditions Patrick Frey de Zürich.

Pour ce projet – qui a reçu le grand prix Isem de la photographie documentaire 2020 – Christian Lutz, également photographe suisse de l’année 2020 de la Swiss Photo Academy, a silloné l’Europe pour donner à voir les traces des partis populistes, de leurs intentions et du remaniement des valeurs qu’ils induisent. Les photographies ont été prises dans des municipalités aux mains de partis populistes de droite en Allemagne, au Danemark, en Espagne, en France, en Hongrie, en Italie, aux Pays-Bas, en Pologne, au Royaume-Uni et en Suisse.

Son observation éclairée, à la fois précise et métaphorique, engendre des images saisissantes, qui devraient concourir à nous réveiller de notre torpeur. Comme l’écrit Christian Lutz sur le site de l’Isem1 : « Les partis qui diffusent cette idéologie (le populisme) sont des oiseaux familiers, qui soudain attaquent. Ils s’inscrivent dans le paysage (…). Ils sont là dans chaque inattention de nos valeurs morales, dans chaque brèche que la peur entaille ».

N’oublions pas que, très près de nous, l’UDC suisse obtient régulièrement 25% des suffrages des électeurs et électrices et siège au Conseil fédéral, ou que Marine le Pen a de bonnes chances d’accéder au deuxième tour des prochaines élections présidentielles françaises. Ne sous-estimons donc pas ces oiseaux familiers inscrits dans le paysage.

Christian Lutz n’en est pas à son coup d’essai. Sa trilogie sur le pouvoir (politique en 2007, économique en 2010 et religieux en 2012), multi-primée et exposée dans de hauts lieux, a créé passablement de remous. S’exprimant sur son dernier recueil : « Le populisme est une fée maléfique, elle charme avec des paroles annonciatrices d’un bonheur futur. Elle arrive à nous faire oublier que ses filets sont toxiques, qu’ils produisent la ségrégation, l’exclusion, le désespoir. Ses arguments nous renvoient à nos frontières physiques et symboliques ; ils préparent le terrain de la guerre sociale, des phobies, des asphyxies de la pensée et du lien humain. Ils manipulent nos esprits et nos instincts ».

La Maison de l’Architecture à Genève, qui est actuellement engagée dans un cycle de conférences sur les frontières, nous propose le 20 mai une rencontre avec le photographe, à l’occasion du vernissage de Citizens2. La conférence de présentation du livre affiche complet, mais elle pourra être suivie en direct sur le site youtube de la Maison de l’architecture3, le 20.5.21 entre 18h30 et 19h30.

  1. https://prixisem.imagesingulieres.com/christian-lutz.php
  2. https://www.ma-ge.ch/evenement/lutz/
  3. https://www.youtube.com/channel/UC6FQiavfDxHfy1c9a2yfKDA

One Reply to “Citizens de Christian Lutz. Reflets du populisme européen par un œil avisé”

  1. Dario CIPRUT dit : Répondre

    L’œil avisé n’a peut-être pas d’équivalent cérébral chez ce photographe multi primé, dont je suis incompétent pour juger de l’efficience symbolique de l’oeuvre en question, et qui me paraît en effet relever d’excellentes intentions. Simplement, je trouve, à moins qu’il s’agisse de second degré, peu vraisemblable au premier abord, mais regrouper sous le label « Citizens » une collection destinée à nous faire prendre en horreur les manipulations des nationaux-populistes me paraît bien malheureux et contraire au but proclamé, car c’est à mon sens bien évidemment d’une usurpation du beau mot de citoyenneté dans les états parcourus qu’il s’agit. Dénaturer le mot en l’associant à de tels régimes me semble pour le moins malheureux, et j’aurais pour ma part englobé sous un tel titre de tout autres manifestations démocratiques. Un malentendu ?

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