Nature des régimes politiques et bilan de la mortalité de la pandémie de COVID-19

Par Jean-Luc Maurer

Six mois après s’être étendue aux quatre coins de la planète, la pandémie de COVID-19 a franchi fin septembre le cap de 1 million de morts et dépassé les 33 millions de cas officiellement enregistrés. De l’avis général, ces chiffres sont largement sous-estimés car, pour reprendre l’expression lapidaire de l’un des innombrables spécialistes de la crise dont j’ai oublié le nom : « En matière de statistiques sur cette pandémie, les démocraties ne savent pas compter et les dictatures mentent ! ». En dépit de ce problème, il est toutefois intéressant de tenter, sur la base des données disponibles, d’établir si la nature du régime politique n’a pas une incidence sur l’efficacité de la lutte contre la pandémie. Formulée en termes simples, la question est de déterminer lesquels des pays vivant en démocratie, quelle que soit la qualité de cette dernière, ou sous un régime autoritaire, illibéral ou dictatorial ont enregistré les moins mauvais résultats en la matière ?

Étant donné le déclin de la démocratie et la montée du national populisme à l’échelle mondiale, il est logique de commencer cette interrogation en se demandant si le fait que plusieurs des grands pays du monde formellement considérés comme démocratiques soient dirigés par des leaders aux tendances autoritaires et illibérales n’a pas une influence sur ces résultats. Le premier coup d’œil jeté aux statistiques est édifiant à cet égard : quatre des cinq pays les plus touchés, ceux qui ont dépassé la barre des 40 000 morts, sont dirigés par un leader autoritaire et illibéral aux tendances national-populistes de droite clairement affichées, dans l’ordre : les États-Unis de Donald Trump, le Brésil de Jair Bolsonare, l’Inde de Narendra Modi et le Royaume-Uni de Boris Johnson. Le Mexique qui est le cinquième membre de ce club funeste est présidé par Andrès Manuel López-Obrador, un homme que l’on peut qualifier de leader national-populiste de gauche plus « soft ». Bref, il apparaît clairement que les chefs d’états de tendance national-populistes parmi les plus sinistres du monde ne peuvent guère se vanter de leurs succès en matière de lutte contre la pandémie, même si les plus dénués de toute vergogne comme Trump et Bolsonaro ne s’en privent pourtant pas.

Au delà de ce constat superficiel, il est important de savoir que le seul de ces cinq pays appartenant au groupe des «  démocraties pleines (DP) » de la planète en 2019 (ayant un indice démocratique (ID) supérieur à 8 selon le classement annuel de l’Economist Intelligence Unit) est le Royaume-Uni. Les quatre autres sont considérés comme des « démocraties imparfaites (DI) » (ayant un ID entre 6 et 8) : États-Unis, Inde, Brésil, et Mexique. Quand on élargit l’analyse aux cinq pays venant ensuite en termes de victimes de la pandémie, seule l’Espagne est une « démocratie pleine ». Trois autres de ces pays sont des « démocraties imparfaites » : l’Italie, le Pérou et la France. Aucun « régime hybride (RH) » (ayant un ID entre 4 et 6) ne figure parmi ces dix pays les plus endeuillés et seul le dernier fait partie de la catégorie des « régimes autoritaires (RA) » (ayant un indice ID inférieur à 4) : il s’agit de l’Iran. Cela dit, il est quand même plus équitable de baser ce type d’analyse sur le chiffre plus représentatif de la mortalité relative, soit le nombre de morts dans chaque pays par rapport à la taille de la population, et cela change bien évidemment un peu le classement.

Le tableau ci-dessous met en regard l’indice démocratique et les chiffres de mortalités absolue et relative dues au COVID-19 de chacun des dix pays mentionnés jusque là ainsi que leur classement correspondant dans la hiérarchie mondiale. Nous avons toutefois ajouté à cette liste une quarantaine d’autres pays sélectionnés dans chacune des quatre catégories d’indice démocratique évoquées plus haut (DP, DI, RH et RA) en fonction de leur importance démographique, de l’étendue de la mortalité et de leur pertinence par rapport à la comparaison entre les deux variables considérées.

Sources: Pour l’indice démocratique, Economist intelligence Unit, London, et pour les statistiques sur la pandémie de COVID-19,John Hopkins University, Baltimore

NB. Il y a peu de pays africains dans notre échantillon car ils sont pour l’instant moins touchés par la pandémie et moins intéressants par rapport à notre propos.

Par rapport à notre réflexion, le premier fait marquant à souligner est que dans le groupe des 31 pays ayant la plus haute mortalité relative, on trouve 7 des 21 « démocraties pleines» de la planète : la Suède, le Canada, l’Irlande, la Suisse, les Pays-Bas, le Royaume-Uni et l’Espagne ! Par ailleurs, ce sont aussi deux « démocraties imparfaites », le Pérou et la Belgique, qui ont de très loin les taux de mortalité relative les plus élevés au monde. Comme on pouvait s’en douter, la démocratie n’est donc pas un antidote absolu contre la pandémie ! En revanche, certaines de ces démocraties, comme la Corée du Sud, la Nouvelle-Zélande, Singapour, le Japon et encore plus Taïwan, présentent un bilan infiniment plus favorable voire remarquable pour des raisons qui ne tiennent donc a priori pas au régime politique. Il y a aussi des différences étonnantes. Le contraste le plus frappant est entre la Norvège et la Suède, deux pays pourtant très proches à tout point de vue. L’explication de cette différence relèverait plutôt en l’occurrence de la nature des politiques sanitaires mises en place puisque, contrairement à tous ses voisins scandinaves, le gouvernement suédois a écarté un confinement rigoureux et opté pour une stratégie d’immunisation naturelle contre le virus qui lui coûte très cher.

Le second fait plus troublant en la matière est que de l’autre côté du spectre politique, on trouve des régimes autoritaires, illibéraux voire même dictatoriaux qui ont eu un succès très impressionnant pour contenir la pandémie. C’est bien évidemment le cas du pays d’où elle est pourtant partie, la Chine, qui est classée très bas dans la catégorie des « régimes autoritaires » et se retrouve dans le groupe des dix pays les moins endeuillés du monde. Les résultats sont encore meilleurs pour le Vietnam dont le score en matière de respect de la démocratie est tout aussi piteux. Pour sa part, la Russie, qui est considérée comme un régime encore plus autoritaire s’en tire beaucoup moins mal que de nombreux pays démocratiques (certes avec un chiffre élevé de 20 239 décès et un 12e rang mondial en valeur absolue mais une mortalité relative de « seulement » 140,6 qui est cinq fois moins élevée que celle des États-Unis). De son côté, la Corée du Nord (ID 1.08 et éternel bon dernier du classement général en la matière) vient juste de reconnaître son premier mort alors que le Cambodge (ID 3.08 et 139e rang mondial) continue à revendiquer obstinément zéro décès! On pourrait multiplier les exemples de ce genre et en conclure que l’autoritarisme ou même la dictature sont plus efficaces que la démocratie pour lutter contre la pandémie. Il n’en est bien sûr rien, preuve en étant que plusieurs de ces régimes enregistrent des résultats déplorables (Iran, Bolivie, Irak, Arabie Saoudite et même Turquie).

Au bout du compte, tout cela est donc un peu déroutant. En fait, au delà des pays qui ont le mieux ou le plus mal réussi à contenir la pandémie, les données compilées dans le tableau montrent que les succès relatifs sont autant le fait de démocraties pleines ou imparfaites (Australie) que de régimes hybrides ou autoritaires (Éthiopie et surtout Thaïlande, qui fait partie du club des dix pays les moins affectés du monde) et que les échecs les plus cuisants sont comme on l’a vu également partagés entre les premiers, dont on a amplement parlé plus haut, et les seconds (Bolivie ou Arabie Saoudite, Iran, Irak et même Turquie). Devant un tel « mix bag », on voit qu’il est impossible de dire qui de la démocratie ou la dictature est plus efficace pour lutter conte la pandémie de COVID-19. Les raisons du succès ou de l’échec sont donc à chercher ailleurs que dans la nature des régimes politiques.

La réponse se trouve plutôt selon nous dans l’adéquation et la rigueur des politiques adoptées, dans le niveau de cohésion sociale des pays considérés et de leur contrôle sur la population, dans la confiance ou la défiance de cette dernière envers le pouvoir en place et dans sa discipline à respecter les mesures imposées. Tout cela explique d’ailleurs peut être en partie le fait singulier qui voit les sept pays de l’Asie orientale « sinisée » fortement imprégnés de culture et de valeurs confucianistes (Chine, Taïwan, Japon, Corée, Singapour, Hong Kong et Vietnam) se retrouver ensemble dans la catégorie de ceux ayant un taux de mortalité relative inférieur à 15, alors qu’ils couvrent le spectre entier allant de la « démocratie pleine » à la dictature la plus dure. Il est vrai qu’ils ont tous déjà été exposés à des pandémies de même nature, notamment avec celle du SRAS en 2002, et que leurs populations sont habituées à se protéger contre les virus et la pollution en portant des masques, mais cela n’explique pas tout.

Pour conclure, disons qu’il y a là un ensemble de questions de recherche importantes à soulever pour mieux comprendre comment lutter plus efficacement contre cette pandémie de COVID-19 et celles qui ne manqueront hélas pas de lui succéder à l’avenir.

le 1er octobre 2020

3 Replies to “Nature des régimes politiques et bilan de la mortalité de la pandémie de COVID-19”

  1. Maria Weber dit : Répondre

    Votre article m’a beaucoup intéressée et je souhaite en profiter pour poser une question qui m’interpelle depuis longtemps. Bien sûr, il est tentant de vouloir démontrer que l’épidémie de Covid-19 a été mieux gérée dans les pays dirigés par des autorités respectueuses des principes démocratiques que dans ceux gouvernés par des dirigeants nationaux-populistes. Renforcer l’idée que ces derniers sont incompétents a quelque chose de rassurant. Pourtant, ainsi que vous l’écrivez, c’est un exercice difficile car la pertinence des indicateurs et la fiabilité des chiffres ne sont pas évidents et rendent les classements approximatifs. Ceci dit, quatre des pays les plus affectés par le virus SARS-Cov2, les USA, le Brésil, l’Inde et le Royaume-Uni , sont dirigés par des démagogues qui ont initialement ou durablement nié la gravité de l’épidémie voire se sont moqués des gestes barrières.

    Ma question est la suivante : que s’est-il passé dans les pays qui sont gouvernés par des femmes ? La vingtaine de femmes actuellement cheffes d’Etat ou de gouvernement ont-elles mieux ou moins bien géré l’épidémie que les hommes ?

    Selon le classement auquel vous faites référence, je constate que six pays considérés parmi les plus démocratiques sont actuellement dirigés par une femme (Le Norvège, l’Islande, la Nouvelle-Zélande, la Finlande, le Danemark et la Suisse) . Ces pays se trouvent parmi ceux qui ont le mieux contrôlé l’épidémie. Par ailleurs, Taiwan et Singapour, dirigés également par deux femmes, ont été particulièrement exemplaires dans la gestion de la Covid-19 dès le début de l’épidémie. En revanche, il est vrai que la Belgique pourrait, hélas, servir de contre-exemple. Une illustration des limites d’un classement par catégorie.

    Est-ce l’effet du hasard ? A moins que l’épidémie de Covid-19 soit le révélateur d’une nouvelle manière de gouverner qui ne refuserait plus d’appréhender les problèmes dans leur complexité avec la volonté d’agir efficacement sans vouloir nécessairement avoir raison ? Une manière de gouverner qui pourrait évidemment ne pas être seulement réservée aux femmes !

  2. Jean-Luc Maurer dit : Répondre

    Bonjour Maria,

    Merci de votre commentaire. Vous soulevez en effet une question très pertinente. A défaut de pouvoir la traiter de manière détaillée par manque de place, j’aurais effectivemnt dû mentionner cet aspect singulier des choses: les pays démocratiques qui s’en tirent le moins mal face à cette pandémie sont dirigés par des femmes. Cela mériterait tout un article en soi. Peut-être seriez-vous prête à l’écrire pour notre blog ? Malgré le fait que je sois un partisan convaincu du poête Louis Aragon quand il dit que « La femme est l’avenir de l’Homme », la réponse à votre question n’est toutefois pas simple.

    Quelques idées rapides à ce sujet. Tout d’abord, avant même de se demander si ce sont les qualités particulières des femmes au pouvoir qui expliquent le succès relatif des politiques menées contre la pandémie, il faut reconnaître que c’est d’abord la qualité des systèmes démocratiques des pays en question qui a permis à ces femmes d’arriver au pouvoir. Ensuite, il me semble qu’il faut examiner de plus près la personnalité des femmes concernées et le contexte institutionnel particulier dans lequel s’inscrit leur action Je ne suis pas très familier avec la réalité politique des pays scandinaves où ce phénomène est particulièrement marqué. En revanche je vois mieux de quoi il peut s’agir dans les pays asiatiques que je connais bien ainsi qu’en Suisse ou en Nouvelle-Zélande.

    Dans ce dernier cas, je crois sincèrement que les qualités exceptionnelles de la première ministre Jacinda Ardern jouent un rôle majeur. Elle a démontré de manière admirable ce mélange de fermeté et de compassion qui fait sa force lors de l’épouvantable attentat de Christchurch du 15 mars 2019. Elle continue à faire preuve de ces mêmes qualités déterminantes face au fléau de nature différente mais tout aussi dangereux que représente ce virus mortifère. En revanche,, je ne suis pas sûr que les qualités personnelles reconnues de Simonetta Sommaruga aient joué un rôle majeur dans le cas de la Suisse. Vous connaissez comme moi le peu de pouvoir détenu par la personne qui préside la Confédération Helvétique. Je pense que le « succès » (au demeurant très mitigé) que notre pays a enregistré dans sa lutte contre la pandémie résulte plutôt de la manière assez intelligente dont s’y est pris le Conseiller fédéral en charge de la santé, Alain Berset, et des spécificités de notre modèle confédéral.

    Je ferai un peu la même type d’analyse pour Singapour. Le fait que sa présidente soit une femme a en effet joué un rôle mineur dans le succès relatif de la Cité-État, dont la constitution laisse très peu de pouvoir à la personne qui occupe ce poste, une fonction plutôt honorifique essentiellement vouée à des tâches de représentation. C’est le premier ministre qui décide de tout, en l’occurrence, un homme à poigne, au pouvoir depuis 2004, Lee Hsien Long, fils du père de la nation, Lee Kuan Yew, homme d’état remarquable qui a mis en place un régime classé comme « démocratie imparfaite » mais qui est en fait une véritable une « démocrature » autoritaire au népotisme tout aussi marqué que partout ailleurs en Asie. Pour Taïwan en revanche, il est possible que les grandes qualités stratégiques dont fait preuve la présidente Tsai Ing-wen face à la menace de la Chine et de son nouvel « empereur rouge » Xi Jinping aient joué un rôle dans le très remarquable succès enregistré sur le front de la lutte contre la pandémie.

    Bref, comme je le disais plus haut, les choses ne sont pas si simples qu’on puisse ramener le succès ou l’échec face au traitement de la pandémie à une question de genre, pas plus qu’on ne peut l’attribuer au degré de démocratie ou d’autoritarisme du régime politique en place, comme j’ai essayé de le montrer dans mon article. Tout dépend des politiques adoptées, de la manière dont elles sont appliquées et de facteurs encore plus complexes à analyser tels que la confiance de la population dans son gouvernement ou son degré de discipline.

    Par ailleurs, pour revenir à cette belle idée selon laquelle « La femme est l’avenir de l’Homme », je crois qu’il faut aussi ne pas faire preuve de trop de naïveté ou d’angélisme en la matière. La personnalité des femmes qui sont arrivées au pouvoir ainsi que le contexte dans lequel elles fonctionnent font toute la différence. Ainsi, une personne comme Angela Merkel élue dans le contexte de l’Allemagne fédérale réunifiée s’est révélée être une remarquable « leadeure », tant pour son pays que pour l’Europe et le reste du monde (voir l’accueil du million de réfugiés du Moyen-Orient) dont elle a contribué à éclaircir l’avenir. À l’opposé, il faut se souvenir de la « douce » personnalité de Margaret Thatcher et du rôle funeste qu’elle a joué aux côtés de son comparse Ronald Reagan pour lancer la « révolution libérale » qui a plongé le monde dans les affres d’un néolibéralisme sauvage responsable d’une bonne partie des maux qui nous accablent depuis lors (y compris le déclin de la démocratie et la montée du national-populisme qui préoccupent notre Cercle Germaine de Staël) pour voir qu’une femme peut aussi contribuer à rendre l’avenir plus sombre! On pourrait mentionner d’autres exemples comparables avec le rôle décevant de Aung San Suu Kyi, l’icône de l’ouverture démocratique de la Birmanie, qui a perdu son honneur dans le génocide de la minorité des Rohingyas, ou de Janine Alvez, figure de l’extrême-droite religieuse de son pays, qui a joué un rôle majeur dans le plus récent des innombrables coups d’État qu’a vécu la Bolivie depuis toujours.

    Pour finir sur une note plus positive, espérons que Kamala Harris sera élue vice-présidente des États-Unis le 3 novembre prochain (et en deviendra peut-être un jour la première femme présidente) et contribuera à ramener son pays sur la voie de la raison et à éclaircir un peu l’avenir du monde qui s’annonce bien sombre si le psychopathe narcissique qui occupe la Maison Blanche reste quatre ans de plus au pouvoir!

  3. Dario CIPRUT dit : Répondre

    Bonjour Maria et Jean-Luc,
    au fond vous auriez préféré l’un·e comme l’autre, que le niveau de démocratie (mesuré par un index probablement sujet à discussion mais néanmoins admis), ou celui de la féminisation des instances dirigeantes ( mesuré au genre du chef d’état en exercice), en somme vos préférences, qui sont d’ailleurs les miennes, aient quelque rapport avec la qualité de gestion de la pandémie.

    Je ne sais trop ce qu’il y aurait à ajouter aux considérations de Jean-Luc, qui montre à l’aide de contre-exemples parlants que ces déductions sont pour le moins aventureuses. Je ne ferai que mentionner un point d’ordre théorique et qui n’est peut-être pas à négliger dans ce genre de considérations liant des causes hypothétiques à des conséquences observables.

    Un des traits communs à tous les genres complotistes consiste à exploiter des corrélations entre phénomènes concomitants pour en déduire des relations de causalité entre eux. C’est un biais connu des statisticiens, et des épidémiologues, que d’ignorer des facteurs tiers dits de « confusion » influant à la fois sur la ou les causes et sur les conséquences. Aussi ne suffit-il pas de repérer la présence de coincidences, ici entre la démocratie ou le genre des chefs d’état, et la qualité de gestion de la pandémie, pour en déduire une relation de cause à effet. Plus subtilement et même paradoxalement, ce qui concerne particulièrement les raisonnements a contrario de Jean-Luc, il ne suffit pas non plus de repérer l’absence apparente de corrélation pour exclure une relation, qui peut être occultée par un tiers facteur causal.

    Nous voilà bien avancés, me direz-vous. En effet, pour conclure valablement ou même plausiblement sur le mécanisme causal à l’oeuvre, il faut s’appuyer sur une connaissance du domaine impliqué, et une argumentation dépassant la simple observation de présence ou absence apparente de relation, C’est pourquoi les statisticiens s’entourent de précautions de niveaux et tests de signifiance avant de conclure à des inférences entre les variables qu’ils observent, ce qui ne suffit d’ailleurs pas à exclure les controverses sur les méthodologies employées, comme le démontre amplement celles en cours sur l’action de l’hydroxychloroquine.

    Tout cela pour dire que je suis plus convaincu par les raisonnements en politologue ou historien de Jean-Luc que par de quelconques observations étayant telle ou telle des hypothèses formulées. Même s’il est sain de s’interroger sur les causes possibles des phénomènes observés, le doute et le scepticisme quant à des conclusions trop hâtives fait partie intégrante des processus de recherche de vérités, toujours provisoires. Je ne sais pas trop s’il convient d’exporter ces techniques statistiques dans les sciences sociales mais je crois sain, notamment pour combattre les populismes ou démagogies friandes de raccourcis, d’être averti des biais possibles de ces raisonnements étudiés par les statisticiens. Pour illustrer les paradoxes liés aux facteurs de confusion (confounding factors en anglais) je recommande cette video (https://www.youtube.com/watch?v=vs_Zzf_vL2I).

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